LE DROIT A L’IMAGE

La prise de clichés photographiques soulève diverses interrogations : Le sujet choisi est-il libre de droit ?
A défaut, une autorisation a-t-elle été accordée ?
Toute photographie est-elle protégeable par le droit d’auteur ?
Que faire lorsqu’un tiers utilise notre photographie ?

C’est pour répondre à ces questions que nous avons sollicité le Bureau Lillois du Cabinet TGS France Avocats, qui intervient spécifiquement en matière de protection, de défense et de valorisation des droits de propriété intellectuelle, afin qu’il nous délivre quelques conseils et enseignements sur le droit de l’image et le droit à l’image, seul ce dernier étant ici traité.

LE CHOIX DU SUJET PHOTOGRAPHIQUE ET L’ATTENTION AU RESPECT DU DROIT A L’IMAGE

Indépendamment de la question des droits de propriété intellectuelle afférents aux biens mobiliers et immobiliers susceptibles d’être reproduits sur une photographie, l’utilisateur final comme son agence de communication doivent être vigilants dès qu’apparaissent sur un cliché des personnes ou des biens.

Les contours du droit à l’image des personnes

Le droit à l’image découle des dispositions de l’article 9 du Code civil selon lequel « chacun a droit au respect de sa vie privée ». C’est sur ce fondement que les juges rappellent régulièrement le principe selon lequel « toute personne dispose sur son image, partie intégrante de sa personnalité, d’un droit exclusif qui lui permet de s’opposer à sa reproduction sans son autorisation expresse et spéciale » [1].

Pratiquement, il y a lieu de s’interroger sur le respect du droit à l’image et partant, sur le consentement de la personne dont l’image est capturée et a vocation à être diffusée, dès lors que celle-ci est reconnaissable, que cette personne se trouve dans un lieu privé ou public.

Par principe, une autorisation doit donc être sollicitée dès que la personne est identifiable. Cette autorisation doit être « expresse », à savoir non équivoque et explicite, et « spéciale », soit suffisamment précise quant aux modalités d’exploitation projetées. Il faut ici se poser les questions suivantes : Pour combien de temps l’autorisation est-elle donnée ? Pour quels territoires ? Pour quelle finalité ? Pour quels supports ? Et se rappeler que consentir à la captation de son image ne vaut pas autorisation de l’exploiter.

La rédaction d’un écrit, en bonne et due forme, est donc indispensable pour éviter toute difficulté ultérieure ce d’autant, qu’outre le retrait de la photographie litigieuse et les dommages et intérêts qui pourront être sollicités devant les juridictions civiles sur le fondement de l’article 9 du Code civil, la violation du droit à l’image est un délit également sanctionnable sur le fondement des articles L.226-1 et L.226-8 du Code pénal.

Le droit à l’image n’est pas pour autant absolu. Il connaît quelques limites dont la principale trouve sa source dans le droit à l’information qui, au vu de l’intérêt légitime du public à être informé, peut permettre de légitimer l’utilisation faite sans autorisation de l’image d’un tiers.

Cette exception doit toutefois être entendue strictement. Il s’agit du cas particulier de l’image liée à un évènement d’intérêt général participant à un sujet d’actualité qui, au surplus et en tout état de cause, ne saurait justifier la diffusion d’images portant atteinte à la dignité de la personne en cause ou montrant des scènes dégradantes ou humiliantes.

L’utilisation de l’image à des fins publicitaires ou commerciales

Assurément donc, l’utilisation de l’image d’un tiers à des fins publicitaires ou commerciales est soumise à autorisation préalable :

« l’utilisation de l’image et/ou du nom d’une personne à des fins commerciales est soumise à autorisation préalable, à défaut de laquelle une telle utilisation est illicite et porte atteinte à ses droits »[2].

C’est ainsi qu’ont pu, par exemple, être condamnés un magazine de mode publiant trois photographies d’une personne sans son autorisation[3], une société de paris sportifs en ligne détournant une photographie préalablement publiée par un sportif sur son compte Instagram[4] ou encore une société de location d’espaces de stockage dont une salariée avait participé à des séances de photographies à la demande de son employeur pour les besoins d’une campagne promotionnelle.

A noter que, dans cette dernière affaire, il a été jugé que la société ne démontrait pas avoir obtenu l’accord exprès de la salariée permettant la reproduction de son image sur des dépliants, plaquettes et affiches publicitaires sur les locaux de stockage et en bordure de routes et que cet accord ne pouvait se déduire de sa seule participation aux séances de prise de vue, ni du fait qu’elle ait donné son accord à la diffusion de son image dans le cadre d’une deuxième campagne[5].

Encore une fois, la plus grande vigilance est donc requise ce d’autant qu’il est acquis que la seule constatation de la violation du droit à l’image ouvre droit à réparation, même s’il appartient à la personne qui l’allègue d’évaluer le montant de son préjudice et d’en justifier. Le préjudice qui pourra être d’ordre patrimonial et moral dépendra notamment pratiquement tant de la notoriété du demandeur et de la valeur de son image que des circonstances de l’exploitation litigieuse (nature du support, durée d’exploitation, nombre d’exemplaires, etc.).

Le cas particulier du droit à l’image des biens

Si les juges ont, dans un premier temps, pu considérer que le propriétaire avait seul le droit d’exploiter son bien, sous quelque forme que ce soit, y compris sous forme de photographie, à peine de porter atteinte à son droit de jouissance, cette solution fondée sur le droit de propriété fut par la suite nuancée.

Il est ainsi dorénavant admis que le propriétaire d’une chose ne dispose pas d’un droit exclusif sur l’image de celle-ci, mais qu’il peut toutefois s’opposer à l’utilisation de son image si elle génère un trouble anormal de jouissance[6].

Le trouble anormal est celui qui porte atteinte à la vie privée de la personne, telle que la publication d’une photographie de l’intérieur d’une habitation, ou associée à des mentions permettant sa localisation et l’identification de son propriétaire. Le trouble anormal est également constitué lorsque l’exploitation commerciale du cliché a pour conséquence une atteinte au droit de jouissance, tel le cliché qui génère une présentation dévalorisante du bien ou un afflux de visiteurs sur le lieu.

Il faut enfin souligner que le code du patrimoine soumet à autorisation préalable de son gestionnaire l’utilisation à des fins commerciales de l’image d’un immeuble qui constitue un domaine national, autorisation qui peut être assortie ou non de conditions financières[7].

Article rédigé par Claire Cambernon et Espéranza de La Forest Divonne

Le Bureau Lillois du Cabinet TGS France Avocats accompagne régulièrement auteurs, agences et annonceurs dans la protection et la défense de leurs droits de propriété intellectuelle et la sécurisation de leurs projets.

[1] Cass. Civ. 1ère, 27 février 2007, n°06-10393
[2] CA Paris, pôle 2, ch. 7, 29 mai 2019, n°17/02943
[3] CA Versailles, 1ère ch., 1ère sec., 23 mai 2023, n°21/02181
[4] TGI Paris, 17ème, 20 décembre 2017, n°17/03235
[5] TGI Nanterre, 24 novembre 2011, n°10/00348
[6] Cass, ass. plén., 7 mai 2004, n°02-10.450
[7] Code du patrimoine, article L.621-42

Crédit Photo Daniel Lee.

4.7/5 - (17 votes)