LE DROIT DE L’IMAGE

Droit de l'Image

La prise de clichés photographiques soulève diverses interrogations : Le sujet choisi est-il libre de droit ?
A défaut, une autorisation a-t-elle été accordée ?
Toute photographie est-elle protégeable par le droit d’auteur ?
Que faire lorsqu’un tiers utilise notre photographie ?

C’est pour répondre à ces questions que nous avons sollicité le Bureau Lillois du Cabinet TGS France Avocats, qui intervient spécifiquement en matière de protection, de défense et de valorisation des droits de propriété intellectuelle, afin qu’il nous délivre quelques conseils et enseignements sur le droit à l’image et le droit de l’image, seul ce dernier étant ici traité.

LA PHOTOGRAPHIE ET LA PROTECTION PAR LE DROIT D’AUTEUR

Le Code de la propriété intellectuelle protège « les droits des auteurs sur toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination »[1]. Nul doute que la photographie a donc sa place dans le corpus des œuvres pouvant être protégées par le droit d’auteur. Elle est d’ailleurs listée comme telle[2]. Mais la protection effective d’une photographie par le droit d’auteur exige encore de caractériser son originalité.

L’originalité, condition sine qua non de la protection d’une photographie par le droit d’auteur

Un cliché ne sera éligible à la protection conférée par le droit d’auteur que sous réserve d’être original. Il devra, à ce titre, « présente[r] une physionomie propre traduisant un parti pris esthétique et reflétant l’empreinte de la personnalité de son auteur »[3]. Il appartient donc au photographe qui revendique la protection accordée par le droit d’auteur de justifier de choix libres et créatifs portant l’empreinte de sa personnalité.

En matière de photographie, ces choix libres et créatifs peuvent revêtir diverses formes et intervenir à différents stades :

  • Pendant la phase préparatoire : choix de la mise en scène, de la pose de la personne à photographier ou encore de l’éclairage ;
  • Lors de la prise de vue : choix du cadrage, de l’angle de prise de vue ou encore de l’atmosphère créée ;
  • En post-production : choix des traitements appliqués, des retouches et/ou techniques de développement.

Il a ainsi pu être jugé que des photographies de plateau capturant des scènes de films n’étaient pas originales car elles rendaient compte de la personnalité du réalisateur du film et non de celle du photographe : « il ne se dégage[ait] pas des photographies une impression visuelle différente de celle produite par les scènes filmées », celles-ci « reflèt[aient], voire accentu[aient], les choix préexistants du réalisateur et non l’empreinte de la personnalité propre [du photographe] »[4]. A l’inverse, la protection par le droit d’auteur a pu être accordée lorsque des différences substantielles existaient entre l’image tirée du film et la photographie de plateau[5].

La volonté de reproduction fidèle d’un objet rend plus délicate l’éligibilité à la protection par le droit d’auteur. Ainsi, la Cour d’appel de Paris a pu considérer, au sujet d’un panorama aérien, que si la photographie « démontr[ait] un savoir-faire incontestable du photographe[…], elle n’a[vait] d’autre finalité que de restituer le plus fidèlement possible la physionomie et la beauté du site photographié »[6].

Au contraire, ont été jugées originales des photographies d’œuvres d’art insérées dans les catalogues de ventes aux enchères, sur le constat que l’auteur avait procédé à des associations de lots pour réaliser une seule photographie et effectué par ailleurs un travail de post production (retouche, cadrage)[7].

L’originalité ne va donc pas de soi. Elle doit être démontrée.

Les prérogatives octroyées à l’auteur d’une photographie originale

L’auteur d’une œuvre originale jouit d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous[8]. Il bénéficie, à ce titre, d’un monopole comprenant deux types de droits : les droits moraux et les droits patrimoniaux.

Le droit moral, qui est perpétuel et inaliénable, confère au photographe-auteur un droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre[9]. Il comporte les prérogatives suivantes :

  • Le droit de divulgation : Le photographe-auteur a le pouvoir de décider quand et comment il communique, pour la première fois, son œuvre au public ;
  • Le droit de paternité : Le photographe-auteur a le droit d’apposer son nom ou son pseudonyme sous sa création ou encore de rester anonyme ;
  • Le droit au respect de l’intégrité de l’œuvre : Le photographe-auteur peut s’opposer à toute modification de son œuvre ;
  • Le droit de retrait et de repentir : Le photographe-auteur peut décider, sous réserve d’indemniser celui à qui l’œuvre a été cédée, de cesser la diffusion ou d’apporter des modifications à son œuvre.

A ce titre et sauf à en avoir préalablement accepté le principe, un photographe-auteur est légitime à se plaindre de la publication d’un de ses clichés sans mention de son nom sur le fondement de son droit à la paternité ou encore de son exploitation sous une forme rognée, coupée ou recadrée sur le fondement du droit au respect de l’intégrité de son œuvre.

Contrairement aux droits moraux, les droits patrimoniaux sont limités dans le temps (vie de l’auteur et 70 ans après son décès) et peuvent être cédés à un tiers. Ils permettent au photographe-auteur de décider des exploitations de ses clichés et d’en tirer une rémunération.

Nous rappellerons à ce titre que la cession des droits du photographe-auteur répond à un formalisme strict posé par le Code de la propriété intellectuelle qui dispose que :

« la transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que [leur] domaine d’exploitation […] soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et à sa durée »[10]

et prévoit que cette cession doit comporter, au bénéfice du photographe-auteur, une rémunération qui, par principe, sera proportionnelle aux recettes d’exploitation, mais qui pourra, par exception et dans des cas limitativement énumérés, être fixée forfaitairement[11].

La plus grande vigilance est donc requise dans la réaction de ces contrats afin d’éviter toute difficulté ultérieure.

La contrefaçon de photographie

Toute atteinte aux droits moraux et/ou patrimoniaux d’un photographe-auteur constitue une contrefaçon et lui ouvre donc la possibilité d’engager une procédure.

Les condamnations peuvent être lourdes de conséquence puisque la contrefaçon est un délit sanctionné pénalement de 3 ans d’emprisonnement et 300.000 € d’amende.

Au civil, pour évaluer le préjudice du photographe-auteur sont prises en considération (i) les conséquences économiques négatives de l’atteinte au droit, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée, (ii) le préjudice moral causé à cette dernière et (iii) les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits.

A titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, le juge peut allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire qui sera supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte et qui ne sera pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée[12].

Article rédigé par Claire Cambernon et Espéranza de La Forest Divonne

Le Bureau Lillois du Cabinet TGS France Avocats accompagne régulièrement auteurs, agences et annonceurs dans la protection et la défense de leurs droits de propriété intellectuelle et la sécurisation de leurs projets.

[1] Code de la propriété intellectuelle, Article L.112-1

[2] Code de la propriété intellectuelle, Article L.112-2

[3] CA Paris, pôle 5, ch. 1, 2 nov 2022, n°20/10036 ; CA Paris, pôle 5 ch. 1, 14 mars 2017, n°15/19495 et TJ Marseille, 23 février 2023, n°20/06746

[4] CA Versailles, 1re ch., 1re sect., 25 oct. 2022, n°21/01681

[5] CA Paris, pôle 5 ch. 1, 14 mars 2017, n°15/19495

[6] CA Paris, pôle 5, ch. 1, 2 nov 2022, n°20/10036

[7] CA Paris, pôle 5, ch. 2, 30 septembre 2016, n°15/05886

[8] Code de la propriété intellectuelle, Article L.111-1

[9] Code de la propriété intellectuelle, Article L.121-1

[10] Code de la propriété intellectuelle, Article L.131-3

[11] Code de la propriété intellectuelle, Article L.131-4

[12] Code de la propriété intellectuelle, Article L.331-1-3

Crédit Photo Kal Visuals.

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